L’Eden Palais, un carrousel-salon en foire de Mulhouse

A l'écomusée d'Alsace, entre 1990 et 2006, le carrousel salon Demeyer surprit et ravit ceux qui étaient pour la première fois sous le choc d'une grande attraction foraine de la « Belle Epoque ». D'autres, moins jeunes, prenaient une pleine bouffée de retour à leur propre enfance. Si les carrousels-salons perdirent de leur attrait au moment du Front Populaire, et disparurent pour la plupart peu après, l'un d'entre eux poursuivit sa carrière jusqu'en 1950 : l'Eden Palais des frères Caron, joyau de la foire de Mulhouse, dont nous parlaient, les yeux embués,  ceux de nos visiteurs qui l'avaient fréquenté.
 
L'Eden Palais est le dernier carrousel-salon des familles Caron-Lamberty, ascendants des frères Gélis créateurs et exploitants du parc d'attractions « Nigloland » dans l'Aube. Les frères Gélis montrent dans leur parc plusieurs vestiges du premier carrousel-salon des Caron, le Palais des fêtes » acquis en 1923, rescapés de son incendie en 1932. D'autres éléments de ce carrousel font partie de la collection Fabienne et François Marchal, qui sera dispersée dans les prochains jours (28 et 29 septembre 2011) à l'Hôtel Drouot par Maître Cornette de Saint Cyr.
 
Second carrousel dans la même famille : l'Eden Palace, construit vers 1890 pour Henri Lamberty, dont la fille épousa un Caron. Vendu en 1914 lorsqu'Henri Lamberty prit sa retraite, l'Eden Palace disparut, sans laisser aucune trace.

 
Figure 1.
Figures 1 et 2. L'Eden Palace Lamberty  monté (en haut) et en cours de montage (en bas). Sur la photographie du haut, noter les statues de Jules César et Vercingétorix, identiques à celles du carrousel-salon Demeyer à l'écomusée d'Alsace. Ces deux statues ont été semble-t-il récupérées et intégrées à l'Eden Palais.
 
Enfin les frères Frédéric et Philippe Caron exploitent un premier carrousel « Eden Palais », dont la tournée passe par Mulhouse en 1924, 1925,1926.
En 1927, les deux frères Caron achètent un carrousel salon du début du siècle. Sur une photographie (non datée), le fronton de ce carrousel-salon porte une étiquette rapportée avec l'inscription G. Demeyer-Bodelle. Sous elle apparaît le nom du propriétaire précédent, E. Bruckman. Ce manège a-t-il appartenu un temps au couple Gustave Demeyer-Flore Bodelle ? Ou ont-ils rêvé de l'acheter ?

Figure 3. L'Eden Palais dans sa version première, le nom de E. Bruckman étant masqué par une étiquette G.Demeyer-Bodelle.

 
En tout cas, c'est durant cette année 1927 que les Demeyer commencent à exploiter le manège exposé à l'écomusée d'Alsace (qui, construit probablement en 1909, était aussi un manège de seconde main). Le nouveau manège Caron prend le même nom que le précédent, Eden Palais, après avoir été mis au goût du jour, d'élégants vitraux en forme de papillons remplaçant le décor peint de la façade aveugle.


Figure 4. La façade de l'Eden Palais suite à sa modification, après 1927. (Document Fabienne et François Marchal- sans date).


Figure 5. La cavalerie de l'Eden Palais. (Document Fabienne et François Marchal- sans date).

 
C'est cet Eden Palais qui embellit la foire de Mulhouse, dans la décennie 1930 puis jusqu'en 1950 ou peu après. Le photographe Alex Schwobthaler y prit, en 1950, la photographie d'une petite fille scrutant avec tristesse le fond de son portemonnaie vide devant l'Eden-Palais. Certainement cette petite fille, quarante ans plus tard, retrouva la magie des carrousels-salons à l'écomusée.

Figure 6. Devant l'Eden Palais en foire de Mulhouse (revue Cigognes, 1950)
 
En 1959, l'Eden Palais quitte la France pour les USA. Son acquéreur ne réussit pas à le reconstruire, faute de plans. Un pathétique reportage de la revue «  The carrousel News and Trader » en 1991 raconte comment un nouvel acquéreur, la famille Sanfilippo, a retrouvé des éléments du manège sous la neige dans le Montana et en a entrepris la restauration, menée à son terme en 1997 (1) au Victorian Palace près de Chicago. Néanmoins il n'en subsiste que la cavalerie et son plafond (« ballon ») et la façade principale, les façades et plafond intérieurs ayant disparu. Tout comme celles de l'Hippopalace des frères Wilbert, dont ne sont conservées que la cavalerie dans le restaurant « le moulin d'Orgemont » à Argenteuil…et une des roulottes d'habitation à l'écomusée d'Alsace.

Figure 7. La résurrection de l'Eden Palais près de Chicago en 1998 (document communiqué par M. Sanfilippo)

Figure 8. Le triomphe de Vercingétorix (document publié in Brian Steptoe:Vintage funfairs. Amusement rides, carousels and fairground art. Wookingham, Berkshire, England. 2022).

Figure 9. La cavalerie de l'Eden Palais après restauration (document communiqué en 1999 par M. Brian Steptoe)

Figure 10. Cavalerie et « ballon » (document communiqué par M. Sanfilippo)
 
A la veille du départ du carrousel-salon Demeyer de l'écomusée, il n'est pas inutile de rappeler le lien de cet objet du patrimoine national avec l'Alsace, qui fut de 1990 à 2006 sa terre de résurrection.
 
Marc Grodwohl 18 septembre 2011
 
 
Annexe
 
Comparaison de la façade de l'Eden Palais avant 1927 et après la restauration par M. Sanfilippo
 

Figure 11
 

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Figure 15