L’architecture rurale de la bordure rhénane promue à Artolsheim par la Société d’histoire de la Hardt et du Ried
Le n° 29 (2017) de l’annuaire de la Société d’histoire de la Hardt et du Ried a été présenté le 14 octobre à Artolsheim. C’est dans cette commune que fut repérée la maison Schwoerer, dans un premier temps qualifiée de « médiévale » en raison de sa structure à poinçons, poteaux de fond et panne faîtière. Menacée de démolition, la maison fut offerte par M. Paul Schwoerer à l'association « Maisons paysannes d’Alsace » en 1987, qui la démonta avec l’aide et le concours financier des Lions Club de Colmar et de Stuttgart. Sa reconstruction à l’écomusée d’Alsace fut engagée dans la foulée.
La fouille de la maison de 1561 à Artolsheim enfin publiée
En général le démontage de bâtiments par « Maisons paysannes d’Alsace » s’opérait dans l’urgence, le bulldozer étant devant la porte. A Artolsheim, on disposait de davantage de temps qu’à l’ordinaire et Thierry Fischer et moi pûmes analyser le bâti dans les détails. De plus et fort heureusement, l’archéologue Jean-Jacques Schwien a pris l’initiative d’une fouille archéologique du sol, qu’il exécuta (bénévolement) alors que la maison était encore debout. C’était en effet l’occasion rare, pour un archéologue, de procéder à la fouille d’une habitation conservée en élévation. Car en général, comme Jean-Jacques Schwien le rappela lors de sa conférence à Artolsheim, l’archéologue en est réduit à imaginer les structures de l’au-dessus du sol, depuis longtemps disparues au moment où il fouille.
La fouille du sol de cette maison fut féconde car elle vint éclairer son occupation première, après sa construction en 1561 (dendrochronologie). Sous le niveau de 1561 fut trouvée une maison antérieure, vraisemblablement du XVe s. elle-même construite à l’emplacement de fours à lin du XIVe s. Les résultats firent l’objet de publications partielles, et de tentatives infructueuses de publication exhaustive. Trente ans plus tard, c’est enfin chose faite avec l’article cosigné par Thierry FISCHER et Jean-Jacques SCHWIEN, « Une maison paysanne à colombage du XVIe s. Etude archéologique et architecturale », 31 pages, 43 figures.
La portée de cet article devrait dépasser le cadre strictement local. En effet, force est de constater que durant les trois décennies écoulées depuis cette fouille, elle est restée sans équivalent. Si l’on songe aux transformations radicales du visage des villages et à l’ampleur des terrassements qui y ont été menés, détruisant irrémédiablement les renseignements contenus dans le sol, on prend la mesure du massacre et on s’interroge sur la quasi -disparition de l’archéologie bénévole locale. Seule cette dernière permettrait d’assurer une surveillance des chantiers et d’alerter en cas de découverte fortuite de sites à fort potentiel.
La maison à « Kniestock ». Cinq cas du XVIe s. entre Ill et Rhin
Reconstruction de la maison d'Artolsheim à l'écomusée en 1988, l'auteur en train de réaliser un remplissage en torchis
Sous ce titre un article de Marc Grodwohl, 18 pages, 18 figures, présente les constructions à un étage et demi ou à comble en surcroît du XVIe s. c’est-à-dire appartenant à la même catégorie que la maison datée 1561 d à Artolsheim. Ces maisons de conception proche ont été observées à Schoenau (1540 d), Sainte-Croix-en-Plaine (1545 d), Fessenheim et Muttersholtz (non datés). Le corpus est élargi au Sundgau avec Niffer (non daté, démoli) et Heimsbrunn (1579). L’article permet de prendre la mesure des disparitions, car la plupart des constructions décrites ont été détruites. Démontée en 1995 par l’association « Maisons paysannes d’Alsace » la précieuse maison de Schoenau n’a pas été remontée et ne le sera sans doute jamais à l’écomusée qui a d’autres préoccupations et orientations. On espère qu’une solution se présentera dans un autre cadre.
Un clocher et une ferme-château : Meyenheim et Nambsheim
Après les maisons, viennent deux autres catégories de bâtiments emblématiques du village. L’étude (Marc Grodwohl ) « Graffiti de veilleurs dans le clocher de Meyenheim », 9 pages, 26 figures, inventorie et interprète gravures et graffiti figurant sur les baies du clocher de Meyenheim. Ils sont l’œuvre d’habitants assignés à la veille durant les périodes de guerre, en particulier l’occupation suédoise durant la Guerre de Trente ans (1633-1634) , la campagne de Turenne (1674-1675). Pour l’heure c’est le plus important ensemble alsacien de ce type publié.
Clocher de Meyenheim, façade est, ouvertures de la présumée salle de garde début XVIIe s.
Sous la signature de Olivier CONRAD, Marc GRODWOHL et Jean-Philippe STRAUEL, l’étude « Le château de Nambsheim », 23 pages, 34 figures, fait notamment l’inventaire architectural (sommaire) de ce bel ensemble, essentiellement XVIIIe s. et XIXe s. construit dans la basse-cour du château médiéval et Renaissance, détruit mais dont de nombreuses traces sont toujours lisibles. Cet ensemble exceptionnel a défrayé la presse, car le propriétaire avait dû à son grand regret envisager sa démolition partielle. Celle-ci a été suspendue par décision administrative, qui diffère quelque peu la solution du problème qui reste entier. Qui aura le courage, les moyens économiques et la vision inspirée, conditions d’un projet pérenne de restauration et de pérennisation ? On peut espérer que cet article contribuera à faire connaître ce patrimoine, qui a un besoin urgent d’entrer dans des mains secourables.
Ferme-château de Nambsheim, plan général reconstitué
Ferme-château de Nambsheim, front de bâtiments ouest côté village (ancien fossé) et côté cour
Un grand merci à la Société d’histoire de la Hardt et du Ried d’avoir permis la publication de cet ensemble d’articles, sur des sujets d’architecture rurale encore peu étudiés dans cette région longeant le Rhin, à cheval sur les deux départements.
Marc Grodwohl, 15 octobre 2017
Annexe : La découverte inattendue , à Artolsheim, d’une stèle funéraire des Messier, grande lignée de forains alsaciens
A l’issue de l’Assemblée générale de la Société d’histoire du Ried et du Ried le 14 octobre 2017, Le maire de la commune M. Bernard Schultz a invité la nombreuse assistance à une visite du village.
Première heureuse surprise pour nous, la commune apposera prochainement une plaque en mémoire de la maison de 1561, à l’emplacement qu’occupait celle-ci.
Autre surprise, lors de la visite du cimetière je ne crois pas mes yeux devant le monument funéraire de Joseph Messier (1848-1911) son épouse Marie née Meyer (1853-1904) et de leur fils Alfred Messier (1882-1932). J’avais rencontré en 1995 Carlo et Berthe Messier (tous deux nés en 1913) et avais publié leurs souvenirs et l’histoire documentée de leurs « métiers » (lien avec l’article). A aucun moment le couple ne m’avait parlé de son berceau familial et j’étais loin d’imaginer que c’était Artolsheim ! La conservation de ce monument est une bonne nouvelle. Elle permettra le moment venu de reprendre la recherche sur les forains alsaciens, une microsociété quasiment inconnue dont le patrimoine a été bradé. On raconte ailleurs comment après mon départ de l’écomusée, la collection unique de métiers forains que j’avais constituée a été dépecée, gommant cette part de notre mémoire du XIXe et XXe siècle. « Ce n’est pas un patrimoine alsacien » déclarait le président d’alors du Conseil général (Charles Buttner) pour exécuter péremptoirement cette collection.