Vient de paraître (2020) : Archéologie de la maison vernaculaire

Dirigé par J-Y. Dufour 2020, 520 p., ill. coul. (ISBN : 978-2-35518-102-3), éditions Mergoil. Contient (merci au directeur de publication et à l'éditeur) ma synthèse : Maisons en pierre, maisons en pan de bois dans les campagnes d’Alsace aux xve et xvie s p.443-471

Cet ouvrage témoigne de la vitalité de la recherche archéologique sur la maison, une maison de plus en plus contextualisée dans son espace, dans le temps, dans la société qui la fait comprendre, autant qu’on saisit la société à travers elle. C’est une étape majeure dans un processus dont un premier jalon (récent, il y en eut bien d’autres auparavant depuis la fondation de la discipline par les géographes de la première moitié du XXe s.) La publication en 1998, du recueil dirigé par Jean-Marie Pesez et Yves Esquieu, « Cent maisons médiévales en France du XII e au milieu du XVI e siècle- Un corpus et une esquisse » dressait un état des lieux à travers des monographies de maisons (comme le titre de l’ouvrage le dit) et des synthèses thématiques. Cette somme reflétait l’investissement pionnier d’une génération d'archéologues médiévistes, suivant la voie ouverte par les fouilles de villages désertés par Jean-Marie Pesez, notamment celle de Dracy (commune de Baubigny) en Côte d’Or entre 1964 et 1977. Les contributions de synthèse faisaient une large place aux interprétations ethnographiques, dans le sillage de l’intérêt pour la « culture matérielle » chère à l’Ecole des Annales, et aussi dans l’inscription des maisons fouillées et étudiées dans la longue durée, par comparaison avec des bâtiments plus récents et conservés en élévation.   Parmi les maisons décrites sommairement dans ce recueil figurait la maison de 1561 à Artolsheim, que nous avions transférée à l’écomusée d’Alsace en 1988. Mais la publication exhaustive de la fouille par Jean-Jacques Schwien et de l’analyse d’archéologie du bâti par Thierry Fischer n’est intervenue qu’en … 2017, trente ans après les travaux sur terrain.

Pendant que montait une nouvelle génération d’archéologues de la maison pour le Moyen Âge et le début des Temps modernes, le parcours était balisé par deux jalons importants, la somme de Jean-René Trochet (« Maisons paysannes en France », 605 p., 2007) et les actes du colloque « Maisons paysannes en Europe occidentale - XVe –XXI e s. » (2008). On notera la fourchette chronologique qui s’étend jusqu’au temps présent, une tendance qu’exprime également presqu’au même moment la publication du pôle rural de l’Université de Caen, «  Bâtir dans les campagnes. Les enjeux de la construction rurale de la Protohistoire au XXI e siècle », dirigée par Philippe Madeline et Jean-Marc Moriceau.

Enfin, « La construction en pan de bois au Moyen Âge et à la Renaissance », collectif dirigé par Clément Alix et Frédéric Epaud (449 p ., 2013) clôt cette série de grandes sommes de travaux récents, publiée sur une quinzaine d’années.

On pouvait craindre que, compte tenu des difficultés croissantes rencontrées par les projets de publication sur ces sujets, un certain silence s’installe. Il n’en a rien été. L’ouvrage qui vient (mars 2020) de paraître aux éditions Mergoil « Archéologie de la Maison vernaculaire » témoigne de l’affinement constant des méthodes, d’une plus grande fiabilité des résultats grâce à des recours plus fréquents aux datations par dendrochronologie.  Des zones jusqu’alors presque blanches, notamment l’Ile de France, sont à présent bien représentées. On voit aussi s’affirmer la préoccupation de connaître l’habitat des groupes sociaux les moins aisés, ou les habitats temporaires : ainsi la fouille d’un hôpital de campagne créé en 1590 pour accueillir, soigner et surtout inhumer les victimes d’une épidémie de peste dans l’actuel département des Bouches-du-Rhône, un étude qui prend une curieuse résonance au moment où notre société est confrontée à une pandémie. Plusieurs études prennent très largement en compte les relations entre le bâti et l’évolution de son environnement (à travers la cartographie historique des toponymes mise en relation avec les sources économiques et démographiques), ce qui nous réjouit évidemment au moment où nous bouclons une telle étude sur les maisons et le terroir de Lutter aux XVe-XVIIe s. sans toutefois parvenir à la saisissante représentation (reconstitution parcellaire) du village de Roissy-en-France au milieu du XVIIIe s. (p. 393) qui visualise l’impact et l’emprise des différents groupes sociaux et des individus qui les composent. Mais ce ne sont là que quelques pépites d’un ouvrage foisonnant d’enseignements nouveaux, recueillis et coordonnés par Jean-Yves Dufour, auquel on droit une passionnante conclusion qui lie des investigations dans des espaces et des temps différents.

Pour notre part nous y contribuons par « Maisons en pierre, maisons en pan de bois dans les campagnes d’Alsace aux XVe et XVIe s. » (p. 443-471) une synthèse restant d’actualité bien qu’un certain temps se soit écoulé entre son écriture et la publication.

On ne peut qu’être très reconnaissant à Jean-Yves Dufour, archéologue médiéviste à l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives) d’avoir impulsé ce projet et de l’avoir mené à terme à travers bien des écueils.

sommaire

Préface, Jean-René Trochet


Introduction Jean-Yves Dufour


- L’étude archéologique de la ferme de Clastre à Sainte-Eulalie (Ardèche). Premier bilan (2014-2015). Pierre-Yves Laffont en collaboration avec Christian Le Barrier


-Chasselay (Rhône), rue des Sabotier Chantal Delomier et Christian Le Barrier. 


-L’îlot Juiverie de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) Chantal Delomier


-Maison Daguerre, quartier Saint-Jean, Thiers (Puy-de-Dôme) Chantal Delomier.


-Exploitations agricoles et constructions vernaculaires dans un paysage de garrigues du xvie s. au xixe s. Frédéric Raynaud


-Bastides et bâtiments agricoles d’époque moderne – Hameau des Fédons à Lambesc (Bouches-du-Rhône). Frédéric Raynaud


- Deux maisons de petits fonctionnaires seigneuriaux à Orly (Val-de-Marne). Jean-Yves Dufour et Jean-Jacques Péru.


- La « ferme de Thais » à Sorigny (Indre-et-Loire) – Fouille archéologique du bâti d’un ensemble médiéval. Marie-Denise Dalayeun.


- Habiter et exploiter une ferme dans le Bocage virois : la ferme de la Ruaudière à Neuville (xve-xixe s.). Hélène Dupont, Gaël Léon, Stéphanie Dervin et Eva Bisson.


- Évolution et mutation d’une ferme de la plaine crayeuse de Troyes du xive au xixe s. : la ferme du « Crot Touillon » à Feuges (Aube). David Gucker, avec les contributions de Millena Frouin, Claire Pilliot, Pierre Mathelart et Michaël Brunet.


- La maison rurale dans le nord-est parisien, aperçu archéologique : un travail en cours. Ivan Lafarge.


- La Maison Blanche, une ferme-auberge de la fin du xviiie et du xixe s. à Cesson (Seine-et-Marne), ville nouvelle de Sénart. Jacques Legriel, Luc Daguzon et Olivier Bauchet .

L’observation des maisons anciennes dans le Val-d’Oise, la Seine-Saint-Denis et la Seine-et-Marne dans les années 1980 : de quelques fermes de charpente visibles en pignon. Christian Lassure.


- De la masure au corps d’hôtel : morphologie et sociologie de l’habitat à Roissy-en-France (xviiie s.). Marie-Anne Bach.


- La ferme moderne du Cassantin à Parçay-Meslay (Indre-et-Loire). Matthieu Munos, Jean-François Coquery, Alexandre Fontaine, S.bastien Millet et Isabelle Pichon .


- La maison vernaculaire en Flandre rurale (xiiie-xixe s.) et l’exemple de la ferme abbatiale de « Ter Hille » à Coxyde (Flandre occidentale, Belgique. Alexander Lehouck et Jan Van Acker.


- La Cense del Tour, à Haillot, et la Cense de Monia, à Tahier : archéologie de deux fermes des temps modernes en Condroz namurois (Belgique) (xvie-xviiie s.). Raphaël Vanmechelen et Marie Verbeek.


- Maisons en pierre, maisons en pan de bois dans les campagnes d’Alsace aux xve et xvie s. Marc Grodwohl.


- La maison fortifiée du Nord de l’Albanie. Silda Kotolloshi.


- Un domaine agricole en Nouvelle-France : le site LeBer à l’île des Soeurs. Hélène Côté


Conclusion. Jean-Yves Dufour.


Glossaire